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Gérard Cairaschi, artiste plasticien multimédia, vidéaste, photographe et auteur d’installations vit et travaille à Paris.

Ses œuvres ont été montrées et primées dans de nombreuses expositions et festivals vidéo à travers le monde.

Ses œuvres questionnent les dimensions culturelles de l’image, ses codes et ses dispositifs, leur charge historique et de références.

Images jubilatoires ou graves où nature et personnages sont autant de références à l’histoire de l’art, à nos histoires communes : mythes, religions, littératures, cinémas... et individuelles.

Gérard Cairaschi, multimedia artist, video artist, photographer and creator of installations, lives and works in Paris. His work has been shown and won prizes in numerous exhibitions and video festivals around the world.

 

His work questions the image’s cultural dimensions, its codes, its means of representation and its historical status and reference.

He shows joyous or solemn images of nature or people, which refer to the history of art, to myth, to religion, to literature, to cinema, to a shared history and to that of the individual.

 

 

Gérard CAIRASCHI a reçu le Prix Vidéo de Création 1999 de la S.C.A.M (Société Civile des Auteurs Multimédia) pour la vidéo Mémoire(s)

Le Prix spécial du jury du Videolisboa International Video Festival, Lisbonne, Portugal, en 2000, pour la vidéo Mémoire(s)

Le Prix CANAL+ du Festival International du Court Métrage de Clermont Ferrand, France, en  2004, pour la vidéo Délice

Le Prix spécial du jury du Festival VIDELOGIA, Volgograd, Russie, en 2005, pour la vidéo (EDEN)

Le Prix de l’œuvre d’art numérique 2011 de la S.C.A.M (Société Civile des Auteurs Multimédia) pour la vidéo Magia

Le Grand Prix du Festival Experimental Film an Video in Seoul, en 2011 pour la vidéo Magia

Le Grand Prix du Festival des Cinémas Différents et Expérimentaux de Paris en 2016 pour la vidéo Immagine

Gérard Cairaschi mène de front un travail d’installation, de vidéo et photographique.

L’un des axes de ce travail est l’exploration des moyens et des modes de représentation propres à la vidéo et à la photographie.

 

Une réflexion sur les dispositifs techniques sous forme d’installations multi-écrans dans lesquelles les images se combinent et se révèlent en des espaces singuliers.

 

D’autres installations en confrontant réel et images constituent de troublants pièges visuels qui interrogent notre vision et notre rapport à l’image.

 

Le spectateur est piégé dans un “impossible visuel” entre une vision “illusionniste” de l’espace filmique (logique perspectiviste etc.) et une représentation d’un autre ordre, un “entre-deux” de la représentation.

 

Un autre axe de cette démarche, qui fait également appel à la vidéo et à la photographie, porte davantage sur la dimension -l’épaisseur- culturelle des images, leur charge historique et de références.

 

Une prédilection pour des images où nature et personnages sont autant de références à l’histoire de l’art (à la peinture en particulier), à nos histoires communes (mythes, religions, littératures, cinémas...) et individuelles.

 

Afin de s’immerger totalement et irrémédiablement dans ce problème les images sont toujours dans un rapport de simultanéités. Les Suites photographiques constituées d’une multitude d’images assemblées sont à parcourir, à investir et à lire entre les images, entre les lignes, entre les signes.

Gérard Cairaschi

 

 

Johanna Vaude : Comment as-tu commencé à faire tes films ?

 

Gérard Cairaschi : J'ai réalisé mes premiers films expérimentaux lors de mes études à l'école d’art d'Aix-en-Provence où j'étais étudiant. A cette époque, je m’intéressais autant aux arts plastiques qu’au cinéma que je pratiquais depuis l'âge de 15 ans en super 8.

 

Durant cette période, la fin des années 70, les écoles d'art étaient en pleine influence du  mouvement "support/surface" d'où, sans doute, mes premières oeuvres centrées sur une réflexion sur l'outil et le dispositif filmique.

 

En essayant de lier cinéma et arts plastiques, et avec une sensibilité à l'espace réel plus qu'à l'image, j'en suis arrivé tout naturellement à réaliser des installations, des projections de films sur des écrans en reliefs, des "écrans préparés".

 

Utiliser dans une école d'art le film au lieu de la peinture ou d'autres techniques "traditionnelles" constituait une démarche atypique, pourtant mes professeurs m’ont soutenu dans cette voie et particulièrement Louis Bec qui m'a encouragé dans mon approche plasticienne du cinéma.

 

C’est un point sur lequel j’insiste souvent car nous n’avions pas à ce moment là d’enseignement spécifique cinéma ou vidéo dans les écoles d'art, mais parfois, étrangement, comme dans l'école où j'étais, du matériel cinéma et de vidéo et des enseignants ouverts à des pratiques nouvelles.

 

C’est seulement par la suite que j’ai découvert, et vu réellement, en dehors des livres, le cinéma expérimental avec Dominique Noguez invité dans notre école pour nous  présenter des films expérimentaux. J’ai alors vu que ce que je faisais s'inscrivait dans le cadre du cinéma expérimental.

 

A cette époque, dans les années 70, très peu d’installations cinématographiques étaient présentées dans le cadre d'expositions. Après avoir exploré la projection sur des volumes, la confrontation de l'image et de l'espace réel, j’ai  travaillé sur des dispositifs multi-écrans dont le principe consistait à faire circuler la pellicule d’un projecteur à un autre.

 

Après plusieurs années passées à réaliser des installations films j’ai eu l’opportunité d’avoir accès à du matériel vidéo ce qui m'a poussé vers ce médium que je connaissais et pratiquais depuis 1974, date qui est la plus ancienne pour l'utilisation de la vidéo par des plasticiens en France.

 

Au début des années 80 le cinéma expérimental semblait vivre un certain repli vis à vis des institutions alors que l'art vidéo commençait à occuper le devant de la scène. Le rapport entre les deux était très conflictuel, c’était deux mondes très cloisonnés et en totale opposition. Dans mes premières installations vidéos, j’utilisais exclusivement des images issues de films argentiques et je me suis retrouvé à cheval entre trois milieux, celui des arts plastiques, celui du cinéma expérimental et celui de la vidéo.

 

A cette période, il existait des frontières : soit on faisait du film, soit de la vidéo, soit des arts plastiques. Lorsque j’ai réalisé des installations vidéos qui interrogeaient la notion de plan et la structure du film et le langage cinématographique, cela n'intéressait pas les gens du cinéma expérimental car c’était des installations vidéos et cela ne correspondait pas non plus aux gens de la vidéo, car pour eux c’était du film!

 

Sur le moment, je n’ai pas vraiment compris et je ne me suis pas rendu compte de ce qui n’allait pas, car chez les plasticiens, on pouvait librement utiliser et hybrider tous les médium et tous les matériaux. Mon parcours a donc été très particulier.

 

A cette époque j’allais autant dans les festivals vidéos que dans les festivals de cinéma expérimental et j’étais stupéfait de voir la différence des publics qui ne se connaissaient pas et ne voulaient pas se connaître, ce qui n’est heureusement plus trop le cas aujourd’hui.

 

Le Festival des Cinémas Différents de Paris, lorsqu’il a été repris en 1999 par Marcel Mazé, était l’un des rares festivals qui présentait un équilibre de programmation entre vidéo et cinéma.

Pour mon premier dispositif vidéo pour film, j’avais conçu un système électronique qui me permettait d’avoir une projection de chaque plan d'un film sur un moniteur distinct. Le premier dispositif réalisé avec ce procédé utilisait le film "La grande illusion" de Renoir dont chaque plan était alternativement diffusé sur l'un ou l'autre des deux moniteurs de l'installation.

 

L'installation " Pentascope" en 1982 reprenait un extrait du film "La flèche et le flambeau" de Tourneur, un film d’action de cape et d’épée, les plans se répartissaient sur un ensemble de cinq moniteurs permettant que chaque plan puisse apparaître en dessus, en dessous, à droite ou à gauche du plan précédant. La scène se passait dans un château et l’acteur faisait des acrobaties incroyables, et passait d'un moniteur à un autre au gré de l'action.

 

J.V : Est-ce que tu montres encore aujourd’hui ces installations ?

 

G.C : Non, très peu; en 2001 j'en ai présenté deux à la bibliothèque de Lyon dans le cadre de l' exposition "De l'ombre à la lumière" conçue par Monique Sicard. 

La première installation, "Image Multiple" reprenait en vidéo et en la déployant une installation réalisée précédemment en film en1979. Le dispositif utilisait le principe de la pellicule passant d’un projecteur à un autre.

 

L' image cinéma, ce sont des milliers d' images mais une seule image est vue à la fois, la possibilité de voir en deux points, deux instants, différents le ruban filmique, provoque dans certaines conditions et pour des plans particuliers, un "trouble" spatio-temporel.

 

Les images représentaient des panoramiques sur 360° et le décalage entre les deux images permettait de retrouver le hors champs à droite de chaque image. On pouvait ainsi "reconstruire" l’espace, avoir des effets de type cinémascope. Toutefois lorsque des personnages intervenaient dans le champ de la caméra, le système de représentation se détraquait, on se retrouvait dans une double représentation temporelle, en deux points différents du film, dans l'expérience d'un autre espace temps filmique.

 

J.V : Comment es-tu passé de tes installations à la réalisation de tes films actuels ?

 

G.C : J’avais un peu fait le tour des questions qui m'intéressaient concernant l'espace filmique  avec mes installations, et j’avais aussi un peu mal vécu le fait d’avoir été dans un “ no man’s land ” concernant mon travail qui mélangeait l’argentique et l’analogique, le cinéma et les arts plastiques. Les galeries à cette époque n’étaient pas prêtes pour ce genre de travail,  la location de matériel vidéo coûtait extrêmement cher.

 

Mes dernières vidéos, en mono-écran, poursuivent  cependant ce que j'ai toujours travaillé dans mes installations : le rapport entre deux images. Mais je ne m’en suis pas rendu compte tout de suite, car ce n’était pas prémédité, programmé, mes vidéos sont parties d’une envie d'explorer d'autres directions et d'autres formes mais ont gardé et poursuivi une réflexion, entamée avec mes installations, sur l'écriture filmique, le plan en particulier, et la vision simultanée de deux plans.

 

J.V : C’est avec ton expérience antérieure que ton travail s’est  enrichi et s’est imprégné de différentes pratiques et procédés ?

 

G.C : Oui, comme je l'ai évoqué, mon travail vidéo actuel trouve son origine dans mon travail cinéma et en porte les influences, c’est pour cette raison que mes vidéos sont appréciées aujourd’hui par le milieu du cinéma expérimental. Je travaille beaucoup sur le montage alors que généralement les vidéos sont plus souvent basées sur le temps réel, sur la fluidité de l’image avec des plans très longs. Il n’y a pas en vidéo le même type de montage qu’en cinéma.

 

J.V : Le procédé du flicker est une constante dans tes films ?

 

G.C : Oui, d’une certaine manière. Il s’est passé plusieurs années entre mes installations et mes "nouvelles" vidéos depuis 1999. Pendant cette période je filmais avec une caméra vidéo 8 et je jouais sur la vitesse d’obturation. Je réglais sur une grande vitesse d’obturation et je faisais des panoramiques très rapides.

 

La caméra enregistrait ainsi des vidéogrammes très différents les uns des autres et c’est ainsi que j’avais (re)trouvé quelque chose qui m’intéressait : la dissociation des images, des photogrammes, des plans. Pour les vidéos suivantes, à partir de Mémoire(s) 1999, c'est une alternance de plans d'une durée de trois images que j'ai utilisée presque exclusivement.

 

Le flicker, utilisé en cinéma expérimental utilise le plus souvent l'alternance de plans d'une image, mais ce qui me paraît plus important comme différence c'est que je ne réalise pas ce procédé lors de la prise de vue mais j' applique ce procédé au montage, tout se passe en post-production.

 

Dans tous mes films, j'utilise ce rythme unique très particulier créé par la succession de plans de trois images. C’est une pulsation qui me convient, très différente de l'effet produit par la succession de plans d'un seul photogramme.

 

J.V : Tu choisis à l’avance les plans qui vont se chevaucher ?

 

G.C : Contrairement à mes installations qui étaient très réfléchies, très structurelles et conceptuelles, mes derniers travaux sont conçus au départ sans trop d’idées précises.

 

Je me laisse mener par un thème, un point de départ qui peut se modifier et changer, puis s'enrichir et se préciser, en cours de route, c’est une approche plus intuitive. Je cherche à fabriquer une troisième image avec deux images, deux plans, pré-existantes et si on regarde bien, les plans dissociés n’ont aucun intérêt.

 

Bien sûr je les choisis, mais c’est dans leur rapport que tout se fabrique. Je pars sur certaines thématiques et je collecte au fil du temps des plans en rapport avec ma préoccupation, mais sans nécessairement être totalement figé sur une idée. Je filme plutôt lorsque je suis en voyage rarement dans mon environnement quotidien. Ensuite je commence à travailler avec un premier plan qui m’interpelle et qui constitue l’encrage du projet.

 

Pendant la construction du projet, je peux tout à fait commencer à faire des mises en scènes, à aller chercher d’autres images. C’est un travail très long, ce sont des heures et des heures de rushs pour arriver à garder et à trouver ce que je pressens.

 

Par exemple, je peux avoir un plan, comme un œil fermé, qui fonctionne et peu se combiner à peu près avec n’importe quelle autre image, donc je cherche et je cherche pour sélectionner ce qui me convient le plus et j’en garde finalement très peu. C’est un travail qui peut prendre un temps infini, mais c’est essentiel pour pouvoir construire un montage cohérent.

 

Je peux également parfois obtenir des combinaisons très belles visuellement, mais qui ne rentrent pas dans le projet et que je suis obligé de sacrifier. Oversight est basé sur le principe d’obturation très rapide que je décrivais tout à l'heure. J’avais filmé au Japon avec ma première caméra numérique qui pouvait filmer en négatif, je pouvais voir l’effet directement lors de la prise de vue et intervenir dessus ce qui était vraiment nouveau.

 

Ce qui m’a fasciné en filmant en négatif les paysages ou  par exemple le ciel au Japon, c’était de retrouver les couleurs des estampes alors que je n’avais pas encore idée de faire un film sur ce thème. Je retrouvais par exemple les signes qui évoquaient l'écriture  Japonaise dans la végétation que je filmais depuis le train et qui défilait très vite devant mon objectif. C’est vraiment un travail inconscient sur des choses qu’on remarque par hasard et que l'on capte. Ma formation de plasticien influence également très fortement mon travail.

 

J.V : Il me semble qu’à un moment donné on voit apparaître une estampe représentant le dos nu d’une femme ?

 

C.G : Pas du tout, c’est une personne que j’ai filmé en sur-exposition, ce qui permettait de styliser les lignes du corps que j’ai ensuite mixées avec d'autres motifs. Ce film donne l'impression d’explorer une estampe, d'en capter les détails, mais cette estampe n’existe pas.

 

C’est un peu le même procédé que j’avais expérimenté dans mon film Michel J., sur l’enterrement de Michel Journiac et qui est basé sur des photos fixes qui sont uniquement des portraits de personnes qui assistaient à l'office religieux. Tous les regards étaient tendus vers le cœur de l’église. J’avais l’impression de détailler un immense tableau classique dans lequel figure une multitude de personnages.

 

Entretien avec Gérard Cairaschi, propos recueillis par Johanna Vaude.

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